Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) s’est dit alarmé par la recrudescence de la violence en Ituri et au Sud-Kivu, deux provinces de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où au moins 26 civils, dont onze enfants, ont été tués en deux jours.
Cette augmentation de la violence contre les civils porte la signature « des groupes armés et est aussi le résultat de l’incapacité des forces de sécurité à mettre un terme à cette violence », a déclaré ce vendredi à Genève, une porte-parole du HCDH, Marta Hurtado.
Marta Hurtado, porte-parole du HCDH
Ce regain de violence s’est traduit ces derniers mois par un nombre croissant de violations graves des droits de l’homme, des dizaines de villages incendiés et des milliers de personnes déplacées.
« Les crises dans les deux provinces ne sont pas liées, mais présentent des caractéristiques similaires », a ajouté Mme Hurtado. Elle a rappelé que ces groupes armés, en grande partie basés sur des lignes ethniques et parfois en alliance avec d’autres groupes, attaquent les communautés principalement pour prendre le contrôle de la terre et des ressources.
La dernière exaction en date a été relevée le mardi 17 septembre dernier quand 14 civils ont été brutalement tués et quatre blessés à Bukatsele, dans la province d’Ituri.
« Parmi les victimes figuraient 11 enfants âgés de 7 mois à 15 ans, tous tués par balle puis décapités », a relaté la porte-parole du HCDH. Cette attaque contre des victimes appartenant à la communauté Hema aurait été perpétrée par un groupe armé Lendu. Le lendemain, 12 autres civils - trois femmes et quatre enfants - ont été tués dans trois endroits différents, dont un camp de personnes déplacées. Là encore, les victimes étaient toutes des Hema.
Une cinquantaine de victimes de viol et de violence sexuelle en Ituri depuis juin
Selon les services de la Haut-Commissaire Bachelet, ces meurtres s’inscrivent sur cette « longue liste de massacres » dans les territoires de Djugu et Mahagi, dans la province d’Ituri. Les données recueillies par le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme en RDC montrent que depuis le 1er juin, au moins 197 civils ont été tués en Ituri dans des attaques qui auraient été perpétrées par des combattants lendu. Ce nombre ne comprend pas les victimes des attaques de la semaine dernière. Toutes les victimes appartenaient aux communautés Hema ou Alur.
Au cours de la même période depuis le 1er juin, au moins 51 victimes de viol et d’autres formes de violence sexuelle ont été signalées en Ituri. La plupart des victimes ont été violées en bande. Selon certaines informations, lors d’opérations militaires menées contre des combattants lendu, les forces de sécurité ont tué au moins 17 civils lendu, ce qui équivaut à des exécutions extrajudiciaires de civils en représailles aux actions des groupes armés.
Au Sud-Kivu, la situation est également alarmante, avec un certain nombre de groupes armés associés à diverses communautés qui se battent entre eux et mènent des attaques contre des civils. En l’espace de six jours, du 8 au 14 septembre, au moins huit civils ont été tués dans la province.
Plus de 250.000 déplacés internes dans l’Est de la RDC
Ces vagues successives de violence ont entraîné des déplacements massifs. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), au moins 230.000 personnes ont été déplacées en Ituri depuis juin, et plus de 20.000 autres ont été déplacées au Sud-Kivu.
D’une manière générale, les services de Mme Bachelet dénoncent l’impunité, notamment au Sud-Kivu et soulignent le fait que jusqu’à présent, les forces de défense et de sécurité n’ont pas réussi à prévenir ou à mettre fin à la violence dans l’Est de la RDC.
A cet égard, le Haut-Commissariat s’est félicité de l’engagement pris par le Président congolais Félix Tshisekedi d’améliorer la situation des droits de l’homme dans l’est du pays et de son offre de dialogue avec les rebelles. Mais il invite Kinshasa à mettre en œuvre d’urgence « une stratégie de sécurité sérieuse pour résoudre les multiples crises » et protéger les civils dans l’Est. « En outre, nous demandons au gouvernement de ne ménager aucun effort pour s’attaquer aux causes profondes des tensions et de la violence intercommunautaires actuelles », a conclu la porte-parole du HCDH.