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Des millions d’enfants privés de vaccins en raison de la désinformation et de la Covid-19


Des millions d’enfants privés de vaccins en raison de la désinformation et de la Covid-19

Des millions d’enfants privés de vaccins en raison de la désinformation et de la Covid-19 Credit:© 2023 D.R./PetitBoma

Quelque 67 millions d’enfants dans le monde n’ont pas reçu une ou plusieurs vaccins entre 2019 et 2021, en raison des perturbations causées par la pandémie de Covid-19 mais aussi du fait des conflits, des contextes de fragilité et d’une perte de confiance dans la vaccination, a déclaré le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) dans un nouveau rapport.

Dans son rapport intitulé Situation des enfants dans le monde 2023 : pour chaque enfant, des vaccins , l’ UNICEF indique que les niveaux de couverture vaccinale ont diminué dans 112 pays au cours de la pandémie, ce qui constitue « plus grand recul ininterrompu des vaccinations infantiles en trente ans ». Selon l’agence, l’augmentation des informations trompeuses sur les vaccins est l’un des facteurs en jeu.

La Directrice exécutive de l’UNICEF, Catherine Russell, a déclaré qu’« au plus fort de la pandémie, les scientifiques ont su développer rapidement des vaccins qui ont permis de sauver d’innombrables vies. Malgré ce succès historique, la crainte et la désinformation autour de la vaccination en général se sont pourtant propagées à aussi grande échelle que le virus lui-même ».

Signal d’alarme

L’UNICEF affirme que la pandémie a interrompu la vaccination des enfants « presque partout », en raison des lourdes exigences pesant sur les systèmes de santé, de la réaffectation des ressources en faveur de la vaccination contre la Covid-19, des pénuries de personnel soignant et des mesures de confinement à domicile. Mais les nouvelles données montrent également une tendance à la baisse de la confiance dans les vaccins pour enfants, allant jusqu’à 44 points de pourcentage dans un certain nombre de pays.

« Ces données sont un signal d’alerte préoccupant  », a insisté Mme Russell. « La confiance à l’égard de la vaccination de routine ne doit pas compter elle aussi parmi les victimes de la pandémie, sous peine de voir prochainement un grand nombre d’enfants succomber à la rougeole, à la diphtérie ou à d’autres maladies évitables ».

L’hésitation vaccinale en hausse

Dans son rapport, l’UNICEF avertit que la perception de l’importance de la vaccination infantile pendant la pandémie de Covid-19, a diminué chez les habitants de 52 des 55 pays étudiés

La Chine, l’Inde et le Mexique sont les seuls pays dans lesquels l’importance perçue des vaccins est restée stable ou a même progressé. Dans la plupart des pays, les personnes âgées de moins de 35 ans et les femmes étaient plus susceptibles d’être moins convaincues de l’importance de faire vacciner les enfants après le début de la pandémie.

La confiance à l’égard des vaccins étant volatile et s’inscrivant dans un contexte temporel spécifique, il sera toutefois nécessaire de recueillir et d’analyser des données supplémentaires pour déterminer si ces constatations sont révélatrices d’une tendance à plus long terme.

La vaccination continue de remporter un soutien relativement important en dépit des baisses observées. Dans presque la moitié des 55 pays étudiés, plus de 80% des personnes interrogées ont en effet jugé qu’il était important de faire vacciner les enfants.

La désinformation en cause

Cependant, le rapport avertit que « la confluence de plusieurs facteurs suggère que la menace de l’hésitation vaccinale pourrait s’accroître ».

Parmi ces facteurs, les auteurs du rapport citent l’incertitude relative à la riposte contre la pandémie, l’accès plus généralisé aux fausses informations, la perte de confiance à l’égard des experts et la polarisation politique.

L’UNICEF affirme que les enfants nés juste avant ou pendant la pandémie auront bientôt dépassé l’âge auquel les vaccins sont habituellement administrés : il s’avère donc d’autant plus urgent de rattraper les retards accumulés afin de prévenir des flambées épidémiques de maladies mortelles, dans ce que l’UNICEF appelle une « crise de la survie de l’enfant ».

Le rapport rappelle qu’en 2022, les cas de rougeole dans le monde ont doublé par rapport à 2021, et que le nombre d’enfants paralysés par la polio a augmenté de 16% sur la même période.

Au cours de la période de trois ans entre 2019 et 2021, la polio a paralysé huit fois plus d’enfants qu’au cours des trois années précédentes. Cette situation souligne la nécessité d’intensifier durablement les efforts en faveur de la vaccination, indique le rapport.

Des inégalités qui se creusent

L’UNICEF souligne que la pandémie a exacerbé les inégalités existantes en matière de vaccination. Le rapport indique que « pour beaucoup trop d’enfants, en particulier dans les communautés les plus marginalisées, la vaccination n’est toujours pas disponible, accessible ou abordable ».

Près de la moitié des 67 millions d’enfants qui n’ont pas reçu leur vaccins routine entre 2019 et 2021 vivent sur le continent africain. À la fin de l’année 2021, l’Inde et le Nigéria, qui sont décrits dans le rapport comme des « pays affichant une très forte natalité », comptaient le plus grand nombre d’enfants n’ayant pas reçu une seule vaccination de routine.

Globalement, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, un enfant sur dix dans les zones urbaines et un sur six dans les zones rurales n’ont pas reçu une seule vaccination systématique.

L’UNICEF affirme que les enfants non vaccinés vivent dans les communautés difficiles d’accès, dans des zones rurales ou des bidonvilles. De plus, le rapport souligne le rôle de l’autonomisation des femmes dans la décision d’une famille de faire vacciner ses enfants, en précisant que les enfants privés des vaccinations de routine « ont souvent des mères qui n’ont pas pu aller à l’école et qui ont peu d’influence sur les décisions familiales  ».

Des agents de santé sous-payés

L’UNICEF souligne la nécessité de garantir la pérennité des efforts de vaccination, en renforçant les soins de santé primaires et en investissant dans les agents de santé qui sont en première ligne de la vaccination.

Ces agents sont généralement des femmes et, selon le rapport, ils sont confrontés à d’importants problèmes, notamment le faible niveau de salaire, l’emploi informel et le manque d’occasions de formation formelle et de perspectives d’avancement, ainsi que les menaces qui pèsent sur leur sécurité.

L’UNICEF appelle les pays à débloquer d’urgence des ressources afin d’accélérer les efforts de vaccination de rattrapage, de rétablir la confiance perdue dans les vaccins et de renforcer la résilience des systèmes de santé en soutenant les agents de santé féminins et la fabrication locale de vaccins.

« La vaccination de routine et la robustesse des systèmes de santé sont nos meilleurs atouts pour éviter de futures pandémies, à l’origine de décès et de souffrances inutiles. L’heure est venue de tirer parti des ressources restées à disposition à l’issue des campagnes de vaccination contre la COVID-19 afin d’investir dans le renforcement des services de vaccination et dans la mise en œuvre de systèmes pérennes, pour chaque enfant », a déclaré Catherine Russell.