Environ la moitié des cas de choléra détectés à Haïti concernent des enfants, dont beaucoup sont particulièrement fragiles à cause d’un système immunitaire affaibli par le manque de nourriture, dû à la pauvreté, a alerté mercredi le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
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« J’ai été choqué de voir de nombreux enfants en danger de mort dans les centres de traitement du choléra. En quelques heures seulement, la diarrhée aqueuse aiguë et les vomissements les déshydratent et les affaiblissent à tel point qu’ils risquent de mourir s’ils ne reçoivent pas un traitement adéquat en temps voulu », a déclaré Manuel Fontaine, Directeur du Bureau des programmes d’urgence de l’ UNICEF , au terme d’une visite de quatre jours en Haïti.
Près de deux mois après le début de l’épidémie de choléra dans ce pays des Caraïbes, les enfants représentent deux cas de choléra sur cinq. L’UNICEF prévient qu’environ « 40% du nombre croissant de cas confirmés concernent des enfants ».
Plus de 11.000 cas suspects et 202 décès confirmés
« Le ministère haïtien de la Santé Publique et de la Population (MSPP) a rapporté un total de 11.039 cas suspects dans 10 départements du pays, dont 938 cas confirmés et 202 décès enregistrés », a indiqué la branche panaméricaine de l’Organisation mondiale de la Santé ( OMS ) lors d’un décompte effectué le 22 novembre.
Cela représente une augmentation de 22% des cas suspects, 15% des cas confirmés et 15% des décès par rapport à la mise à jour du 15 novembre 2022. A ce jour, 6 départements ont des cas confirmés (Artibonite, Centre, Grand-Anse Sud, Sud-Est et Ouest). Au 20 novembre, le taux de létalité parmi les cas suspects est de 2%.
Même sans tenir compte des 368 cas suspects et 14 décès confirmés de la prison de Port-au-Prince, c’est toujours le département de l’Ouest, qui continue de rapporter le plus grand nombre de cas, avec plus de 90% de tous les cas suspects enregistrés. Les communes de Cité-Soleil et Port-au-Prince représentent 62% de tous les cas suspects rapportés dans le département de l’Ouest.
9 cas sur 10 dans les zones les plus touchées par une crise nutritionnelle
Mais sur le terrain, les humanitaires redoutent surtout « le cercle vicieux entre la malnutrition et le choléra ». Depuis le début de l’épidémie de choléra, 9 cas confirmés de choléra sur 10 en Haïti ont été signalés dans les zones les plus touchées par la crise nutritionnelle qui s’aggrave dans le pays.
Les enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère, également appelée émaciation sévère, sont plus vulnérables au choléra à Haïti. Ils ont au moins trois fois plus de risques de mourir de la maladie.
« À l’heure actuelle, en Haïti, la vie des enfants est triplement menacée : malnutrition, choléra et violence armée. Et parfois les trois ensemble », a d’ailleurs admis M. Fontaine, ajoutant que « le choléra et la malnutrition sont une combinaison mortelle, l’un entraînant l’autre ».
Malgré cette situation préoccupante, l’UNICEF estime que ce cercle vicieux entre la malnutrition et le choléra peut être brisé. « Un traitement simple, abordable et efficace peut sauver la vie des enfants haïtiens, à condition d’atteindre les familles les plus vulnérables avant qu’il ne soit trop tard », a fait valoir M. Fontaine.
Or les zones urbaines pauvres les plus touchées par l’épidémie de choléra sont également sous le contrôle de gangs lourdement armés. « Dans un contexte de violence armée généralisée et d’insécurité dans une grande partie de la capitale, les équipes humanitaires marchent sur des œufs », a soutenu M. Fontaine.
En dépit d’une situation humanitaire et d’une insécurité inquiétantes, l’UNICEF et ses partenaires ont dépisté et évalué l’état nutritionnel de près de 6.200 enfants dans la commune de Cité Soleil, la plus grande zone urbaine de la capitale, Port-au-Prince. Au total, environ 2.500 enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition aiguë sévère et modérée ont reçu un traitement de qualité depuis le mois de juillet.
L’UNICEF en quête de 27 millions de dollars
Dans un contexte d’insécurité et d’instabilité extrêmes, l’UNICEF a intensifié ses efforts pour répondre au choléra en coordination avec les autorités nationales. L’agence onusienne a ainsi fourni aux centres de santé, 245 kits choléra et 313.000 sachets de sels de réhydratation orale, mais aussi des antibiotiques.
Outre les 135.000 comprimés de purification de l’eau dans un hôpital partenaire de Cité Soleil, l’UNICEF a également livré près de 470.000 litres d’eau distribués par camion-citerne à près de 23.000 personnes vivant actuellement à Cité Soleil. La réponse a porté aussi sur des fournitures médicales et d’hygiène pour organiser des cliniques mobiles à Cité Soleil.
Dans le même temps, des spots de prévention du choléra sont diffusés par des stations de radio et de télévision et des dépliants distribués pour réduire la transmission du choléra.
Afin d’intensifier tous ses efforts pour répondre à l’épidémie de choléra dans les cinq prochains mois, l’UNICEF a besoin de plus de 27 millions de dollars afin de fournir une aide à 1,4 million de personnes, dans les domaines de la santé, de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement, de la nutrition et de la protection.