Les droits de l’homme doivent être au centre de la gouvernance et pas seulement au premier plan de beaux discours, a plaidé mercredi le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, à quelques jours de la Journée des droits de l’homme, célébrée le 10 décembre.
Lire aussi
« Les droits de l’homme n’ont pas échoué. C’est le mépris cynique des droits de l’homme et l’incapacité à respecter et à tenir compte des avertissements sur les droits de l’homme qui nous ont conduits là où nous sommes », a déclaré M. Türk lors d’une conférence de presse à Genève avant la Journée qui s’inscrit dans le contexte du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Pour le Haut-Commissaire, lorsque les droits de l’homme sont violés ou mis à l’écart, des conflits éclatent. Le non respect des droits humains entraîne de l’instabilité, de la souffrance, davantage d’inégalités et des crises économiques.
Les droits de l’homme sont inhérents à tout être humain et les dirigeants qui ignorent cette vérité mettent en péril les personnes qu’ils sont censés servir, a-t-il dénoncé.
Malheureusement, c’est exactement ce qu’ont fait les dirigeants dans de nombreuses régions du monde, a déploré M. Türk : « En conséquence, nous assistons à une augmentation et à une intensification des conflits violents dans le monde entier ».
« Les Palestiniens de Gaza vivent dans l’horreur la plus totale »
Lors de sa conférence de presse, le Haut-Commissaire est revenu sur la situation à Gaza. « Deux mois après les terribles attaques du 7 octobre contre Israël par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens, au cours desquelles des civils ont été directement pris pour cible, les civils de Gaza continuent d’être bombardés sans relâche par Israël et punis collectivement – souffrant de la mort, du siège, de la destruction et de la privation des besoins humains les plus essentiels tels que la nourriture, l’eau, les fournitures médicales vitales et d’autres produits essentiels à grande échelle. Les Palestiniens de Gaza vivent dans l’horreur la plus totale et la plus profonde » , s’est-il indigné.
M. Türk a indiqué qu’à l’heure actuelle, environ 1,9 million des 2,2 millions de Palestiniens ont été déplacés et sont poussés dans des endroits de plus en plus réduits et extrêmement surpeuplés dans le sud de Gaza, dans des conditions insalubres.
Il a dénoncé une « situation catastrophique » dans la bande de Gaza qui était « tout à fait prévisible et évitable ».
Dans ces circonstances, il existe un risque accru de « crimes atroces », a-t-il prévenu, appelant de toute urgence, toutes les parties et Etats à prendre des mesures pour empêcher de tels crimes.
Le chef des droits de l’homme s’est aussi dit alarmé par la crise des droits de l’homme en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est, notamment concernant l’usage inutile ou disproportionné, voire militarisé, de la force par l’armée israélienne.
Il a réclamé une enquête approfondie sur les allégations de violences sexuelles perpétrées par des membres de groupes armés palestiniens, dont le Hamas, lors des attaques contre Israël le 7 octobre.
« Dans l’immédiat, j’appelle à une cessation urgente des hostilités. La violence et les vengeances ne peuvent qu’engendrer plus de haine et de radicalisation. La seule façon de mettre fin aux souffrances accumulées est de mettre fin à l’occupation et de parvenir à la solution à deux États », a rappelé M. Türk.
Plus de 4.200 civils tués au Myanmar depuis le coup d’Etat
Le Haut-Commissaire a ensuite évoqué la situation au Myanmar en indiquant qu’à ce jour les forces militaires ont tué plus de 4.232 civils depuis le coup d’État et que les civils ont subi d’innombrables violations de leurs droits : frappes aériennes, tirs d’artillerie, disparitions forcées, arrestations et poursuites arbitraires, violences sexuelles, déplacements, refus d’accès à l’aide humanitaire et incendies de leurs maisons, de leurs champs et de leurs villages .
La situation des musulmans rohingyas se prolonge de plus en plus, sans perspective de retour sûr et durable.
Volker Türk est aussi revenu sur la situation au Soudan et le conflit qui fait rage entre factions militaires rivales, les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide (RSF).
Plus de 7.000 civils, dont des femmes et des enfants, ont été tués depuis avril 2023, et 6,3 millions ont été déplacés, a-t-il indiqué, en relevant avoir des documents faisant état de l’utilisation du viol comme arme de guerre, en particulier par les RSF et les forces affiliées.
« Restrictions épouvantables » à l’encontre des Ukrainiens dans les territoires occupés par la Russie
S’agissant de l’Ukraine, le Haut-Commissaire a indiqué que plus de 10.000 civils ont été tués depuis l’invasion russe de grande ampleur du territoire ukrainien le 24 février 2022. Les Ukrainiens vivant dans les territoires occupés par la Fédération de Russie sont confrontés à des « restrictions épouvantables » de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés, a-t-il dénoncé.
M. Türk a aussi exprimé ses préoccupations suite aux changements anticonstitutionnels de gouvernement, y compris les coups d’État militaires, au Burkina Faso, au Tchad, en Guinée, au Mali et au Niger ainsi que par les crises politiques dans des pays comme le Guatemala, le Pérou et le Nicaragua,
Durant cette conférence de presse, le Haut-Commissaire s’est aussi inquiété des conséquences de l’utilisation de l’intelligence artificielle notamment dans le contexte des élections.
« Il existe des risques évidents que la propagande et la désinformation exceptionnellement puissantes soient produites à grande échelle par un nombre croissant d’acteurs », a-t-il prévenu.
75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme
Enfin, à l’occasion de la Conférence des Nations Unies sur le climat, la COP28, à Dubaï, Volker Türk a dit craindre que ceux qui tentent de mettre en évidence l’impact néfaste du changement climatique et la nécessité d’agir maintenant ne soient noyés par des voix puissantes qui ont – au mieux – des agendas contradictoires, y compris en faveur de l’utilisation continue des combustibles fossiles.
M. Türk a indiqué qu’« en ce moment sombre de l’histoire », il avait hâte d’accueillir l’événement de haut niveau qui se tiendra la semaine prochaine pour marquer le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, « pour faire le point sur où nous en sommes, comment nous en sommes arrivés là et ce que nous pouvons faire pour façonner un avenir meilleur pour tous les êtres humains, peu importe qui et peu importe où ».