Ne laisser aucun enfant de côté dans la lutte contre la traite des personnes, c’est l’appel lancé à Dakar cette semaine à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre la traite d’êtres humains alors que les chiffres publiés dans le rapport mondial de l’ONUDC sur la traite révèlent qu’une victime sur trois, en Afrique subsaharienne, est un enfant.
Le Représentant régional de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre a saisi l’opportunité de la journée pour faire un plaidoyer en faveur de la sensibilisation, de la lutte, la protection et de la prévention de la traite.
Amado Philip de Andrés a fait l’état des lieux de la situation et révélé qu’en Afrique de l’Ouest, les enfants représentent plus de 60% des victimes de la traite détectées. La forme d’exploitation la plus répandue étant la mendicité, avec un taux de 64%, tandis que 34% des victimes de la traite sont objet d’exploitation sexuelle.
Pour le Secrétaire permanent de la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes (CNLTP) il faut mener une guerre sans « état d’âme contre la traite des enfants au Sénégal ». Ce « désastre » justifie, selon Mody Ndiaye, une mobilisation générale et coordonnée des services publics et nationaux comme la police et la justice.
Collecte de données, sensibilisation, protection des victimes
L’identification et la protection des enfants victimes restent difficiles en raison du faible nombre de signalements, du manque de sensibilisation et de l’insuffisance des ressources allouées aux services d’aide aux victimes.
Les trafiquants ont souvent recours à la coercition, à la tromperie et aux menaces pour garder le contrôle sur leurs victimes, ce qui rend difficile l’intervention des autorités. S’ajoute à cela qu’en Afrique subsaharienne, et ailleurs, la traite a souvent lieu dans le cadre familial ou proche.
La collecte des données reste un défi qu’entend relever le Centre de recherche et de sensibilisation sur la traite des êtres humains (CenHTRO) de l’Université de Géorgie, aux Etats-Unis, et ses partenaires de recherche en collaboration avec les acteurs nationaux et locaux. Leur travail a permis de générer des connaissances sur les profils, les caractéristiques, les facteurs de vulnérabilité.
Par ailleurs, le CenHTRO avec l’ONUDC, le gouvernement sénégalais et des ONG poursuivent des initiatives pour réduire le phénomène de l’exploitation sexuelle à Kédougou (zone frontalière d’orpaillage).
Ainsi des adolescentes et des jeunes femmes ont été soustraites à des situations d’exploitation sexuelle. Elles ont également bénéficié de prise en charge prenant en compte les traumatismes, la réintégration socioéconomique, le retour volontaire dans leur pays d’origine.
La protection des victimes reposant aussi sur une implication régionale, l’accent est mis sur « la protection des droits de la personne, de l’être humain » quel que soit leur nationalité, selon le Représentant de l’ONUDC.
Coopération judiciaire
L’ONUDC et le CenHTRO collaborent en matière de poursuites pénales au Sénégal. Ils mettent en œuvre différentes actions avec leurs partenaires. Au Sénégal, par exemple, dans la région de Kédougou, l’ONUDC, le CNLTP et le CenHTRO avec les ONG ont mené des actions visant à réduire la traite notamment sur les sites d’orpaillage.
En matière de poursuites, plus de 15 condamnations de personnes soupçonnées de traite ont été réalisées, plus de 474 acteurs de la justice pénale ont été formés. En matière de protection et de prévention, plus de 217 victimes (dont plus de 27 mineurs) ont été retirées de situations de traite et ont bénéficié de soins. Plus de 143 retours volontaires assistés ont été réalisés dans les pays d’origine (dont plus de 23 mineurs).
Pour Amado Philip de Andrés, l’ONU a un intérêt dans le renforcement de la coopération judiciaire dans la région. Le Représentant de l’ONUDC a souligné que « le Nigéria et le Sénégal coopèrent déjà pour lutter contre les réseaux de traite » et que la protection des victimes « a besoin du soutien des Etats membres avec la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) ». « Au Sénégal, experts, magistrats et police accompagnent les pays de la région », a-t-il ajouté.
Nouveaux défis
La traite des êtres humains est en relation avec d’autres trafics. Les réseaux criminels font davantage de profits « lorsque des femmes et des enfants migrent vers l’Europe, c’est ce qui explique leur augmentation dans le trafic des migrants », selon Amado Philip de Andrés.
Autre préoccupation du Représentant de l’ONUDC, la consommation de drogue des victimes de la traite d’êtres humains. « On aura un taux de consommation de 74%, si on ne fait pas attention. Il faut dire que plus de 24% des victimes de la traite des personnes deviennent des consommateurs de drogue dans les pays d’origine ».